tag:blogger.com,1999:blog-163012772024-03-10T22:26:16.363-04:00UN TAXi LA NUiTDéambulations nocturnes d'un chauffeur de taxi montréalaisPierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.comBlogger583125tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-37983927763096317882013-09-03T05:23:00.003-04:002013-09-03T05:23:27.966-04:00Migration Un petit rappel pour vous dire qu'<b><a href="http://untaxilanuit.com/">Un Taxi la Nuit</a> </b>est dorénavant à cet <a href="http://untaxilanuit.com/"><b>endroit</b></a>. Au plaisir !Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-50656403909753623402013-08-26T02:41:00.002-04:002013-08-26T02:41:17.786-04:00L'heure des comptesL'été de mes cinquante ans.<br />
<br />Cinq décennies, dix lustres, six-cents mois, dix-huit miles deux-cent-cinquante jours et quelques...<br />
<br />Pas mal de kilomètres au compteur et sans fatalisme, tout compte fait, les deux tiers du chemin sont déjà parcourus. Qu'est-ce qui compte au bout de tout ça? Je m'arrête à ce qu'il y a dans le rétroviseur? Où je continue à regarder devant? Je fais des bilans ou des plans. Je me vautre dans les souvenirs ou je m'en forge d'autres?<br />
<br />Ça fait bientôt deux mois que j'ai décidé de prendre mon temps. Je l'offre, je lui fais prendre l'air, je le tue, je le perds, je le passe comme j'ai envie, et tout ça, en temps réel et à plein temps.<br />
<br />
Car un moment donné, il faut savoir s'arrêter de compter et trouver son compte.<br />
<br />
<br />Comme j'avais le temps et comme ça faisait longtemps que je me disais que je le ferais quand j'en aurais, j'ai emmieuté<b><a href="http://untaxilanuit.com/"> Un Taxi la Nuit</a>.</b> Un grand ménage s'imposait! 8 ans sans trop de changements, ça commençait à être un peu poussiéreux par ici. Fait que c'est ça qui est ça, je vous convie sur <b><a href="http://untaxilanuit.com/">Un Taxi la Nuit point-com</a></b>. J'espère que vous allez apprécier la nouvelle déco. Gênez-vous pas pour prendre vos aises et me dire ce que vous en pensez. N'oubliez pas non plus de mettre vos signets à jour et surtout, surtout un grand merci à tous ceux et celles qui sont passés par ici au fil de ces 8 ans. Qui sait y'en aura encore autant de l'autre côté. Mes amitiés et bonne route!Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-22973958164766531002013-08-08T02:11:00.002-04:002013-08-08T02:11:51.920-04:00L'accalmieAssis sur un quai bringuebalant, je suis happé par la réverbération des gris
d'un ciel ennuagé sur le frémissement des vaguelettes du lac.<br />
<br />
Les estivants, plaisanciers, villégiateurs, touristes, jardiniers, patenteux
et tous les autres proliférateurs de décibels perturbateurs ne se sont même pas
concertés pour m'offrir quelques secondes de redoux auditif. <br />
<br />
Les corneilles se taisent, le vent s'apaise, une rare tranquillité s'insinue.
<br />
<br />
Je ferme les yeux et respire profondément. Il n'y a plus personne au poste,
plus de signal sur le canal.<br />
<br />
Un grand bruit blanc.<br />
<br />
Loin la ville. Loin, très très loin le taxi. <br />
<br />
Un silence. Une respiration. Un infinitésimal souffle.<br />
<br />
Et lentement. Tout lentement. En moi. <br />
<br />
<br />
Le doux bruit d'un moteur qui se remet en marche.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-35698230841907378952013-05-21T02:24:00.002-04:002013-05-21T02:24:29.428-04:00Contre toute attente<br />
J'attends<br />
<br />J'attends que ça passe<br />
<br />J'attends l'heure<br />
<br />J'attends que ça se pointe<br />
<br />J'attends que l'heure de pointe se passe<br />
<br />J'attends que plus rien ne me désappointe<br />
<br />J'attends<br />
<br />Le long d'un parc<br />
<br />Un poste d'attente<br />
<br />Un poste d'observation<br />
<br />Deux êtres se croisent<br />
<br />La blanche ride, la barbe profonde, le pas aidé<br />
<br />2 cannes dans chaque main, un dernier printemps<br />
<br />Il regarde le chemin devant lui, celui derrière aussi<br />
<br />Ne voit pas cette trop jeune pédaleuse<br />
<br />
Oscillante, vacillante, juste heureuse<br />
<br />
Le vieil orme, la jeune figue<br />
<br />
Le vieux fugue, la jeune file<br />
<br />Contre toute attente<br />
<br />
Je fugue et file<br />
Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-56054864188622736372013-04-26T05:39:00.001-04:002013-04-26T05:39:48.223-04:00Trajectoire(s)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJbRdFZ2AfrvrJme0MOgTfUCmzBsz9FYzh6f1HnhsgqH51er5tqaltVusNnwYmom8qRfRGc-fTI4QB1Ke5QevHDI7WnCSoYaKlX-7r_XFdvO-pmvpmJCZzzNv5r8KJioTbxkg/s1600/printemps+2013+082.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="355" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJbRdFZ2AfrvrJme0MOgTfUCmzBsz9FYzh6f1HnhsgqH51er5tqaltVusNnwYmom8qRfRGc-fTI4QB1Ke5QevHDI7WnCSoYaKlX-7r_XFdvO-pmvpmJCZzzNv5r8KJioTbxkg/s400/printemps+2013+082.JPG" width="400" /></a></div>
<br />Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-60134341695744608692013-03-13T01:17:00.000-04:002013-03-13T01:17:04.838-04:00Changement d'air<br />
Semaine de relâche. Les clients s'espacent. Ils prennent l'air. Ils profitent
du redoux. Je le redoutais.<br />
<br />
Je roule semi-lunatique dans une ville cratère. Mon corps fatigué d'un long
hiver s'imprègne de chaque nid-de-poule heurté.<br />
<br />
Zone de rodéo.<br />
<br />
Encore.<br />
<br />
Le moral au ras le sol, j'évite les conversations. Je ne remplis pas les
trous.<br />
<br />
Je laisse aller. Je me lasse assez.<br />
<br />
No vacancy.<br />
<br />
Circulez.<br />
Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-6168704758222580862013-02-05T07:25:00.001-05:002013-02-05T10:28:26.913-05:00Petits baveux<br />
Avant le gros « rush» de la fermeture des bars à 3 heures, beaucoup de taxis
convergent dans le Vieux sur la rue Saint-Paul près de la Place Jacques-Cartier.
Pour une raison que j'ignore, les clubs qui s'y trouvent ferment une demie-heure
plus tôt.<br />
<br />
Devant « La Queue Leu-Leu», les taxis font la file indienne. Plus loin, « Les
Deux-Pierrot» ouvre tout grand ses portes. À cette heure-ci, les soirs de fin de
semaine, y'a toujours des clients qui sortent de ces endroits. Ils sont souvent
souls, ils vont souvent loin et ils sont souvent en bande. <br />
<br />
Comme de fait, je n'ai pas à attendre trop longtemps avant de voir
trois-quatre jeunes s'avancer vers mon taxi. Un d'eux a le bras levé et
m'indique la main grande ouverte qu'ils sont cinq. Je pourrais refuser comme mes
confrères devant moi, mais j'ouvre ma fenêtre et demande leur destination.<br />
<br />
— On s'en va à Ahuntsic dans le nord de la ville! me dit un grand boutonneux.
À ses côtés quatre autres ados grelottent les mains dans leurs poches. On dirait
qu'ils attendent d'être choisis pour jouer au hockey-balle dans la rue avec
leurs chums.<br />
<br />
Comme je n'ai pas à quitter la ville, ça me convient. Je pourrai les déposer
rapidement et revenir vers le centre quand les bars se videront. <br />
<br />
— Tassez-vous quatre en arrière, le plus gros en avant!<br />
<br />
Avec la température qu'il fait et les refus qu'ils viennent d'encaisser, ils
ne se font pas prier pour se serrer dans l'Hyundai.<br />
<br />
Le temps qu'ils montent, les taxis devant moi se sont mis à avancer et je
décolle à mon tour. Je regarde dans mon rétroviseur et demande à ceux qui sont
derrière s'ils se connaissent tous. En général ça décoince un peu. Ils n'en
demandaient pas tant pour se mettre à raconter leurs niaiseries de la
veillée.<br />
<br />
— Je l'ai embrassée sur les joues, mais proche des lèvres!<br />
<br />
— Un moment donné j'ai renversé ma bière sur un gars en bas du balcon!<br />
<br />
— La balle de pool est restée dans la bolle de toilette toute la soirée!<br />
<br />
— Mais le pire c'est Alex qui a échappé toute le weed qui restait...<br />
<br />
— Quoi! On a pu rien à fumer? On peut pas finir la nuite comme ça!<br />
<br />
— Monsieur, savez-vous où on peut trouver de quoi à fumer?<br />
<br />
Je ne suis pas très loin du métro Berri où y'a toujours des petits pushers
qui traînent mais comme je n'ai pas vraiment envie de m'éterniser avec cinq
passagers à bord, je réponds négativement et continue de rouler.<br />
<br />
— Ben moi, il me reste ça. Dis un des gars derrière.<br />
<br />
— J'en veux!<br />
<br />
— Moi aussi! répètent les trois autres.<br />
<br />
Roulant rapidement sur Saint-Denis, je reste concentré sur le trafic, mais je
m'interroge sérieusement sur ce que les gars derrière moi sont en train de se
mettre dans la bouche. Ces garçons qui n'ont pas encore de barbe au menton,
n'ont certainement pas le profil type du consommateur de petites pilules. Je
suis rapidement éclairé lorsque le petit boitier arrive dans la main du grand
assis à mes côtés. Du tabac à chiquer...<br />
<br />
L'ado s'en met, une pincée dans la gueule, et me tend le boitier en me
demandant si j'en veux.<br />
<br />
— J'essaye d'arrêter lui dis-je en continuant d'avancer.<br />
<br />
Je trouve le moment bien mignon jusqu'à ce que je m'arrête à un feu rouge.
Les trois fenêtres s'ouvrent alors en même temps et les jeunes crachent leur jus
de tabac dehors. C'est d'un chic fou!<br />
<br />
Le manège se répète chaque fois que le taxi s'arrête. Je me renfrogne un peu
en songeant déjà aux traces de crachats qui se retrouveront sur la carrosserie
et j'accélère ce qu'il faut pour brûler les jaunes. <br />
<br />
Plus la séquence sans s'arrêter est longue plus la séance de crachat est
pathétique. Je regarde les regards ahuris des passagers de la voiture stoppée
sur le même feu que le nôtre. Quand il change, je m'assure que les types du
milieu de la banquette ont bien éjecté leurs dus penchés sur leurs amis et je
repars en m'exclamant :<br />
<br />
« J'pensais jamais un jour embarquer un troupeau de lamas! »<br />
<br />
Les jeunes l'ont trouvé bien drôle. L'un d'eux s'est même étouffé dans son
jus de chique. Lorsque j'ai sorti une napkin de mon manteau, ils m'en ont tous
demandé.<br />
<br />
— Tenez mes petits baveux! Leur ai-je dit sur un ton qui ne ne l'était
pas.<br />
<br />
La course s'est terminée dans la joie et les crachats. À destination, j'ai
observé le regard du premier sorti s'orienter vers la portière et la grimace qui
en a découlé. Ça avait coulé...<br />
<br />
J'ai chialé un peu et tous ont mis la main à la pièce pour m'offrir mon plus
gros pourboire de la soirée. <br />
<br />
Je les ai laissés et me suis arrêté un peu plus loin pour prendre de la
neige et nettoyer les traces de crachats.<br />
<br />
Reste zen m'aurait dit le Dalaï...Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-81565798822072193482013-01-30T03:28:00.002-05:002013-01-30T19:09:26.738-05:00Envoi expressLa semaine dernière, le facteur éolien rentrait au poste...Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-89959148440426521132013-01-23T04:16:00.001-05:002013-01-23T04:17:18.434-05:00Ponctuation<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhLj3iN8DKPthMolC9wurTJ-tSD9YlGPVz-Ywx4jCRS6ezaLnbA-5CvWBJgcnslpHbtnhK8kXz5ivsamCY7lSLcsf0pYup_rI4uqn3h2yjxvA7gEFYQ33YUaNMnH5zA4yX358U/s1600/janvier+13+004.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="361" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhLj3iN8DKPthMolC9wurTJ-tSD9YlGPVz-Ywx4jCRS6ezaLnbA-5CvWBJgcnslpHbtnhK8kXz5ivsamCY7lSLcsf0pYup_rI4uqn3h2yjxvA7gEFYQ33YUaNMnH5zA4yX358U/s400/janvier+13+004.JPG" width="400" /></a></div>
<br />Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-88558768911936132832013-01-15T05:50:00.002-05:002013-01-15T05:50:46.352-05:00Shalom<br />
Je suis dans le fond d'une cafétéria miteuse au coin de Broadway et de la 86e en compagnie de Jakob Bronsky qui discute avec Monsieur Selig de la difficulté d'écrire sans un sou en poche. Je suis plongé dans le Manhattan du début des années cinquante avec un rescapé juif allemand. Je suis plongé dans le <b><a href="http://www.editions-attila.net/fuck_america/fuck_america.html" target="_blank">Fuck America d'Edgar Hilsenrath</a></b>. Le trafic et les passants autour de moi n'existent plus, le pauvre Bronsky vient de finir un autre chapitre de son roman, le pauvre Bronsky vient de se sauver d'un restaurant par les fenêtres des chiottes, le pauvre Bronsky tente d'échapper à ses souvenirs, le pauvre Bronsky fait le mort dans une montagne de cadavres fraîchement fusillés par des nazis.<br />
<br />
Le signal d'un appel me sort des ghettos de Pologne pour me ramener au coin de Saint-Viateur et Saint-Laurent. Je dois me diriger sur De Gaspé où une course m'attend. Je roule entre deux réalités jusqu'à l'adresse, un édifice qui abrite toutes sortes de petites entreprises et de bureaux. Assis dans les marches du lobby en compagnie de ses deux petits garçons, un grand juif hassidique se lève lentement et sort de l'édifice en tenant ses deux fils de chaque main.<br />
<br />
Stupéfait par cet autre hasard de la route, je souris aux deux garçons que je sens tout excités de monter à bord d'un taxi. Je salue le jeune père et suis agréablement surpris qu'il pousse la conversation au-delà de la simple mention de son adresse de destination (quelques coins de rue). Il m'interroge sur l'endroit qu'il vient de quitter. Je lui réponds sans en être sûr que l'édifice était voué autrefois aux manufactures de couture. L'un des garçons qui n'ont d'yeux que pour l'écran du terminal, lui pose une question à laquelle répond l'homme dans ce que je crois être du yiddish.<br />
<br />
Dans ces quelques mots échangés, je repense à ce pauvre Bronsky, je repense à ces six millions.<br />
<br />
Quand l'homme et ses fils sortent du taxi, je leur souris, leur dis Shalom et retourne au poste retrouver ce pauvre Bronsky.<br />
Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-2117777557386690692013-01-08T03:30:00.001-05:002013-01-08T03:30:38.384-05:00Hiver de gris« Les vacances ont été bonnes? » Me demande le patron sur un ton voulant dire : Tu oses prendre dix jours de congé alors que je ne peux me permettre de quitter mon garage plus que dix minutes?<br />
<br />
Sur ton qui veut dire : Oui merci, je lui réponds : Oui merci.<br />
<br />
Je ne vois pas pourquoi je relèverais son sarcasme, c’est son choix de dormir dans son garage et d’en prendre les couleurs. Il est gris, amaigri, aigri.<br />
<br />
« Tu vas prendre le 2047. » Inutile de prendre un ton particulier. Il me loue le pire taxi de la flotte. Le mulet. Ça signifie que je vais me faire brasser d’aplomb. Que je vais respirer les émanations du moteur et que ça va me coûter 10 $ d’extra d’essence pour la soirée.<br />
<br />
Je ne dis rien, décroche les clés, paie ma location, sors du garage et remonte lentement l’avenue dans la grisaille d’une nuit qui s’annonce longue. Dans l’air froid, je sens la fumée d’un feu de bois. D’une cheminée monte des cendres.<br />
<br />
Évidemment, le taxi n’a pas été lavé. Il est couvert de plusieurs couches de sel. Eh Madame! Vous en voulez des nuances de gris?<br />
<br />
Je pénètre dans le véhicule et je démarre la bête. Le son toussotant du moteur de l’auto m’indique qu’il ne passera probablement pas l’hiver. Il en aura vu de toutes les couleurs.<br />
<br />
Je vérifie la jauge d’essence, installe mon permis de travail, initialise le terminal, ajuste la banquette et les miroirs. Je file une grimace au type aux tempes grises dans le rétroviseur.<br />
<br />
Une autre année s‘enclenche, une autre nuit s‘engage. Je tiens bon, m’agrippe au volant et poursuis mes pérégrinations.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com10tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-60082663214801547702012-11-06T14:54:00.002-05:002012-11-06T14:54:41.992-05:00Bonne fête Pa<span lang="EN">
</span>
Salut Pa.<br />
<br />
T’aurais 71 ans aujourd’hui. Fête pas fête, retraite pas retraite, tu te
serais levé de bonne heure, t’aurais préparé la cafetière et le déjeuner (deux
œufs, deux toasts, bacon) en chantonnant une vieille toune de Willy Lamothe ou
de Tino Rossi. T’aurais ouvert la TV et tu te serais assis à la vieille table
héritée de ta famille pour manger et faire des plans pour ta journée. <br />
<br />
Pendant que t’apprendrais que le maire Tremblay démissionne, que les États
vont voter et qu’il n’y a toujours pas de hockey, t’aurais décidé d’aller corder
du bois, ramasser encore quelques feuilles ou t’aurais été finir un meuble dans
le garage. Ça me surprendrait pas qu’on t’aille aussi engagé pour une petite
jobine de menuiserie quelque part. Être assis sur ton cul trop longtemps, ça n’a
jamais été ton fort.<br />
<br />
Maman serait descendue, t’aurais dit : Bonjour mon amour. T’as bien dormi?
Tu lui aurais raconté à quoi t’avais rêvé avant de lui faire part de tes projets
pour la journée. Vous auriez fini de déjeuner tranquillement ensemble, t’aurais
pris le journal pour aller faire tes besoins et tu serais revenu dans la cuisine
embrasser ta femme et t’aurais dit : «envowèye mon Jean-Paul! » Motivé comme ça
ne se peut pas pour faire de quoi de tes dix doigts.<br />
<br />
On peut dire que je n’ai pas hérité de ta vaillance. Rester assis sur mon cul
ça me connait. Par contre, j’essaie autant que possible de mettre en pratique ce
que tu disais toujours. «Qu’une job qui mérite d’être faite, mérite d’être ben
faite.» C’est peut-être pour ça que je ne viens plus écrire beaucoup ici... Par
contre, quand un client me complimente sur la course que je viens d’y faire, y’a
un petit peu de toi là-dedans. <br />
<br />
À bien y penser, aujourd’hui au lieu de corder du bois ou d’installer ton
abri Tempo, t’aurais probablement continué de préparer la roulotte pour votre
départ en Floride ou quelque autre place ou y fait chaud. En continuant de
chantonner une toune d’Elvis, t’aurais fait encore une fois le tour du terrain
pour voir si tout était à sa place. T’aurais fini de trimballer les affaires du
bungalow au «Fifth Wheel», t’aurais vérifié encore et encore que tout était à
sa place, maman serait revenue te retrouver avec une tasse de café et fier de
toi, t’aurais dit : «tu fais ben ça mon Jean-Paul!».<br />
<br />
J’espère qu’il ne fait pas trop frette ou ce que t’es. J’espère aussi qu’il y
a de quoi occuper tes dix doigts. <br />
<br />
J’t’embrasse, je t'aime et encore bonne fête!<br />
Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com12tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-26882445518132860622012-10-05T06:17:00.001-04:002012-10-06T06:23:26.785-04:00Passé devant<br />
Hier soir dans la Petite-Bourgogne, une adresse apparaît sur mon terminal, une adresse qui fut la mienne pendant plus de 20 ans. Ça m'a fait tout bizarre d'y monter les marches pour aller frapper à sa porte.<br />
<br />
La femme qui en sort ne devait pas être très vieille lorsque je suis arrivé à cet endroit en 1987. Elle s'assoit derrière moi, m'indique sa destination et sa surprise d'avoir été là aussi rapidement.<br />
<br />
— Je n'étais pas très loin et je connais bien le quartier.<br />
<br />
— Moi, je déménage bientôt, ça me fait un peu de peine de quitter le coin.<br />
<br />
— Je comprends. Faut quand même continuer de regarder devant non?<br />
<br />
— Ouain, j'imagine.<br />
<br />
— Je peux te faire une confidence?<br />
<br />
Je lui raconte alors que j'ai vécu dans ce logement qu'elle quitte à regret. Elle est stupéfaite et me dit que c'est un signe. Je lui dis que c'est plus un hasard de la route, mais sans que je puisse faire quoi que ce soit, elle se met à pleurer. Elle m'explique que cet endroit fut un tournant dans sa vie de nouvelle montréalaise, elle me dit que c'est un endroit empli de bonnes vibrations et que ça va lui manquer.<br />
<br />
Ses états d'âme se confondent avec mes souvenirs de l'endroit que je partage avec elle. On échange des anecdotes sur l'appartement, sur les voisins, sur la cour, sur le lierre qui a grimpé jusqu'au toit, sur le mur du salon que j'avais peint en noir... Peu à peu ses sanglots cessent, la course s'achève et elle me dit qu'elle va me payer avec une partie du loyer qu'elle a récupéré parce qu'elle déménage.<br />
<br />
« Toute est dans toute!» est la seule banalité qui me passe par la tête comme réplique. Au moins, ça lui décroche un sourire.<br />
<br />
J'aurais pu lui parler pendant des heures des choses que j'y ai vécues, des bonheurs qui s'y sont déroulés. Des colocs et amis qui y sont passés. J'aurais pu lui dire à quel point ma décision de quitter cet appartement ne fut pas la meilleure de ma vie. Que ses regrets, je les ai également ressentis.<br />
<br />
Mais faut quand même continuer à regarder devant non?<br />
<br />
On s'est quitté en se serrant la main avec une vague impression de communion et j'ai repris la route avec la nostalgie traversant la nuit.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com12tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-31862319466037069182012-09-25T05:18:00.000-04:002012-09-25T05:18:46.984-04:00En direct des îles<br />
Récemment retraitée, elle a quitté son île de Vancouver la veille et transite
par celle de Montréal pour aller rejoindre celle d'Hispaniola où elle s'est
acheté une petite maison du côté de la République dominicaine. Elle est déjà en
mode vacances et je n'ai pas à la convaincre longtemps d'une petite ballade
touristique dans le Vieux avant de retourner à son hôtel aux abords de
l'aéroport.<br />
<br />
D'emblée, elle me demande si c'est possible d'arrêter quelque part pour
qu'elle puisse s'acheter un billet de loterie. Elle ressort du dépanneur tout
sourire en me disant qu'elle ignorait qu'on pouvait s'y acheter de la bière!
Installée à mes côtés, elle sort d'un sac une grosse Corona et me demande si je
lui permets de la boire dans le taxi. Voulant rendre sa ballade agréable,
j'accepte et je décapsule sa bouteille en m'aidant de l'embout métallique de ma
ceinture de sécurité. On est jamais trop prudent.<br />
<br />
Chemin et bière aidant, Isabella va se dévoiler peu à peu et me raconter sa
vie. Son divorce, les problèmes vécus avec sa fille adolescente, sa vie rangée à
Victoria, sa vieille job de fonctionnaire au ministère du revenu Britano
colombien. Elle va me dire de quelle façon elle envisage sa nouvelle vie, de
quelle manière elle a envie d'en profiter. Je l'écoute étaler ses
rêves futurs sur son île en lui faisant découvrir une partie de la mienne. <br />
<br />
Dans des rues que j'emprunte des dizaines de fois par semaine depuis près de
20 ans, Isabella s'émerveille devant l'Église du Bonsecours et devant la
basilique Notre-Dame où nous nous arrêtons pour que je puisse la photographier.
Elle s'extasie sur les pavés de la rue Saint-Paul et ouvre tout grand les bras
pour prendre la pose sur la Place d'Armes. Je m'amuse à jouer au touriste avec
elle et je profite joyeusement du moment.<br />
<br />
Dans une heure de pointe qui se dissipe lentement, je ramène ensuite mon
insulaire vers son hôtel de Dorval. Charmé par sa joie de vivre, je prends mon
temps et continue de l'écouter se raconter. Ravie et guillerette, Isabella y va
gaiement et goulument avec sa Corona en me draguant gentiment. Je me prête au
jeu en sachant bien que ça n'ira pas plus loin que la fin de la course. <br />
<br />
Soudainement, par un curieux jeu de coïncidences, ses gestes, ses paroles,
font apparaître une autre passagère, une autre insulaire à bord du taxi, à bord
de mes souvenirs. <br />
<br />
Il y a un peu plus de trois ans, je conduisais une autre voyageuse vers
l'aéroport. Elle partait également vers une île au soleil, vers une retraite
paisible et douce. Le destin en a voulu autrement. On ne croise pas toujours la
route de ceux qu'on voudrait. <br />
<br />
Je n'ai pas raconté à Isabella<a href="http://www.mexinada.com/3-ans/"> <b>l'histoire de Renée qui s'est fait assassiner dans sa maison des îles du sud</b></a>. Je ne lui ai pas dit à quel point elle lui
ressemblait, à quel point elle était également emplie de rêves et de joie de
vivre. <br />
<br />
À destination, elle m'a demandé mon numéro pour une prochaine fois et mon
courriel pour les photos. Je lui ai souhaité longue vie et bon voyage et
l'ai regardé quitter vers son hôtel et ses rêves.<br />
<br />
La tête ailleurs, j'ai repris l'autoroute vers le centre de mon île pensant à
elles. Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-60932200884073342922012-09-18T02:29:00.002-04:002012-09-18T02:31:08.102-04:00Limitation des dégâts« N’inquiétez-vous pas monsieur, elle a un sac. »<br />
<br />
Je me renfrogne et même s'il pleut averse, j'ouvre tout grand la fenêtre du
côté de la femme penchée entre ses genoux. Derrière moi, ça dégoutte.<br />
<br />
L'appel d'air propage dans le taxi une odeur âcre de bile et de tequila. <br />
<br />
— Faut l'excuser, elle ne sait pas boire.<br />
<br />
— Va chier Christ de sale!<br />
<br />
À travers les miasmes de vomi, je sens que ça dégénère.<br />
<br />
— Bon, madame sort son petit caractère!<br />
<br />
— C'est toé qui me lèves le coeur!<br />
<br />
— Tais-toi donc!<br />
<br />
— J't'haïs!<br />
<br />
— Ben oui c'est ça!<br />
<br />
— J'pourrai plus jamais te faire confiance! T'as compris? Plus jamais!<br />
<br />
—...<br />
<br />
Le trop-plein d'alcool ne fait pas seulement sortir ce qu'on a dans le
ventre, il fait parfois sortir ce qu'on a sur le coeur.<br />
<br />
À destination j'essuie un petit filet de bave sur la banquette en cuirette.
<br />
<br />
Sous la pluie, le couple s'éloigne en dodelinant bras dessus bras dessous.
<br />
<br />
Pas trop de dégâts.<br />
<br />
J'pense.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-73094566865726142112012-08-14T05:07:00.000-04:002012-08-14T05:07:03.111-04:00Veillée au grain<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifGYupSDejqXs0NmfUB7AWiFmR72wFnvqAn0Y9Dx6sb5ZWVSwPtu9GpRi7EUdUVMFLaAbW_eEsUz-hHc08NUSZu-vZ773pm0rTJe2TsHHnFDv7Tp5kXzdVMDycXj9t2tphiCU/s1600/mi-ao%C3%BBt+2012+003.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="300" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifGYupSDejqXs0NmfUB7AWiFmR72wFnvqAn0Y9Dx6sb5ZWVSwPtu9GpRi7EUdUVMFLaAbW_eEsUz-hHc08NUSZu-vZ773pm0rTJe2TsHHnFDv7Tp5kXzdVMDycXj9t2tphiCU/s400/mi-ao%C3%BBt+2012+003.JPG" width="400" /></a></div>
<br />Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-86036192694937036832012-07-18T03:54:00.000-04:002012-07-18T03:54:50.340-04:00Bruits de roulement<br />
Gauche droite droite<br />
tout droit tout croche<br />
nid de poule dos d'âne<br />
cônes oranges<br />
détours dépasse passes<br />
signalisations attardées<br />
remugles de smog<br />
aprème caniculaire<br />
fétide café tiède<br />
chaleur accablante<br />
relents de jus fraîchement pressé<br />
camion de vidange<br />
dégoût du jour<br />
<br />
<br />
bummeux<br />
quêteux<br />
souls raides<br />
crack head<br />
as tu du change man?<br />
I do what I King Can<br />
la tête dans une poubelle pleine<br />
vide merde<br />
<br />
Rouler<br />
vitres baissées<br />
prendre ses airs<br />
se venter<br />
se sauver<br />
déserts climatisés<br />
<br />
tomber à plat<br />
Suées de crevaison<br />
ersatz de cric<br />
écrous de secours<br />
enjoliveurs de rien<br />
refermer le coffre<br />Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-52895766743193512012-06-06T05:29:00.001-04:002012-06-06T05:29:33.637-04:00Les beaux détoursLe soleil se couche lentement sur la ville et je roule vers son centre avec
un client chaud qui crache sa haine incendiaire sur les étudiants et tous ces
sales gauchistes qui font de l'ombre sur sa vie.<br />
<br />
Devant moi, un petit camion blanc clignote à droite depuis cinq coins de rue.
Je me demande ce que je vais manger plus tard. Des bruits de casseroles se font
encore entendre ici et là.<br />
<br />
Mon passager continue son discours que je n'écoute plus. Je fais des "hums"
et des "hahans" pour entretenir ses idées arrêtées et tente de garder le taxi en
mouvement.<br />
<br />
Le temps est doux et les couleurs dans le ciel sont magnifiques. Sur un
arrêt, je laisse passer une jeune femme qui arbore un carré rouge et un grand
sourire. Je lui file un clin d’œil et laisse mon regard s'attarder un
moment.<br />
<br />
Un peu plus loin devant moi je vois des centaines de gyrophares et je songe
que mon passager qui soliloque toujours, aimerait sans doute voir des
manifestants se faire tabasser. Je tourne adroitement à gauche.<br />
<br />
Quelques rues plus loin, je réalise que c'est le tour de nuit. Ce soir ce ne
seront pas les étudiants qui vont me faire faire de beaux détours, mais les
vélos. Je partage l'info avec mon passager qui n'en avait pas besoin de tant
pour rajouter tous les cyclistes dans sa liste de nuisances merdiques.<br />
<br />
Son impatience m'indiffère au plus haut point. Le compteur, contrairement au
taxi continue de rouler. Sur un balcon, j'observe un couple de personnes âgées
qui profitent des douceurs de ce début juin. Les effluves d'un grand lilas me
font respirer un bon coup. Je me sens bien.<br />
<br />
L'énervé réalise finalement après une dizaine de minutes que ça ira plus
vite à pied. Comme depuis le début de la course, je ne le contredis pas et lui
dis que je suis désolé pour lui. Il ne comprend pas l'allusion.<br />
<br />
Je prends par la première ruelle et m'esquive rapidement de ce bouchon. Je
monte le son de la radio, une guitare électrique crache son blues dans un
crépuscule urbain.<br />
<br />
J'anticipe déjà les beaux détours que la nuit me proposera.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-29134600309521662962012-05-12T06:29:00.001-04:002012-05-12T06:30:31.910-04:00Réveil-matin<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjHOtvsdGSA9sFXTA9alS_7MZbuYKqNOKBkd-sn0M6MTOHyfIZuu1CyZSMPUvVfPYXNbn4AGJD_qA-0JOrHRg_tfU8NrRkV14ORxhyphenhyphenxsc1MvJMXhwMyrZRzuSYhszvwD2o9Cvc/s1600/D%C3%A9but+Mai+22012+080.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="280" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjHOtvsdGSA9sFXTA9alS_7MZbuYKqNOKBkd-sn0M6MTOHyfIZuu1CyZSMPUvVfPYXNbn4AGJD_qA-0JOrHRg_tfU8NrRkV14ORxhyphenhyphenxsc1MvJMXhwMyrZRzuSYhszvwD2o9Cvc/s400/D%C3%A9but+Mai+22012+080.JPG" width="400" /></a></div>
<br />Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com12tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-6728271963716673682012-05-09T03:30:00.007-04:002012-05-09T04:31:23.679-04:00les perdants<div style="background-color: black; color: white;">
Il ne se passe pas une nuit sans qu'on m'interroge sur l'incident qui s'est produit au coin de la Rue Rachel et Saint-Laurent où un chauffeur de taxi est passé sur un de ses assaillants. Même après tout ce temps, j'ai encore de la difficulté à me faire une idée sur ce drame.<br />
<br />
En général, il n'y a rien qui est tout à fait noir ou tout à fait blanc. Dans cette histoire, on dirait bien que c'est le cas. Ce serait facile pour moi de juger par mon expérience. Mais il y a un détail de taille qui fausse mon jugement, c'est que je suis blanc de peau.<br />
<br />
Je peux juste m'imaginer à quel point ça peut devenir lourd de supporter un racisme qui perd toute sa subtilité à la fermeture des bars. De devoir rouler nuit après nuit avec les commentaires ou juste les attitudes méprisantes d'une trop grande partie de la clientèle. Jusqu'à quel point un chauffeur peut-il en supporter?<br />
<br />
Il faut aller bien au-delà des images qu'on a vues. Rendu là, le gros du drame s'était joué. On dit qu'à ce moment, le chauffeur avait déjà reçu un coup de poing à la figure par un des jeunes.<br />
<br />
J'ai eu souvent à faire avec ce genre d'individus à la fermeture des bars. On peut imaginer qu'ils se sont fait refuser toutes leurs piteuses avances de la soirées et qu'ils sortent du club, frustrés et abrutis par trop de boisson. C'est déjà clair dans mon esprit que ces types sont éméchés, que la mèche est courte et qu'elle est imbibée d'alcool. Ça ne prend pas grand-chose pour les allumer.<br />
<br />
Pourtant, en regardant les images, je m'interroge. Les jeunes sont déjà sortis du taxi. Pourquoi le chauffeur ne part pas illico vers le poste de police? On le voit faire un demi-tour sur l'intersection et c'est ensuite que ça dégénère. C'est à ce moment que l'histoire s'embrouille.Qu'espérait-il? Se faire payer? Le chauffeur aurait dû s'enfuir à ce moment. Il n'aurait pas aujourd'hui à assumer les conséquences de son geste.<br />
<br />
L'histoire va suivre son cours, ou plutôt se poursuivre à la cour. Je ne suis pas encore sûr d'avoir une idée arrêtée. N'empêche qu'il y a une chose qui est claire dans ce drame. C'est qu'il n'y a pas de gagnant.</div>Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-75494833066292878022012-04-20T05:51:00.000-04:002012-04-20T05:51:26.363-04:00Affichez sur votre mur<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-x0WygnoRAl_diTsDzdajI-MbhshdjoT5eFmaGE26EPWHUKOZcAnwqp7ar0asXZq7qcqnLJ7FR8xa1AbkYewqV8ebupvOaUkx8RzF8iCG5D8lGo95gMtnunNS0o1bnIjGvN0/s1600/avril+2012+004.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="209" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-x0WygnoRAl_diTsDzdajI-MbhshdjoT5eFmaGE26EPWHUKOZcAnwqp7ar0asXZq7qcqnLJ7FR8xa1AbkYewqV8ebupvOaUkx8RzF8iCG5D8lGo95gMtnunNS0o1bnIjGvN0/s320/avril+2012+004.JPG" width="320" /></a></div>
<br />Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-44710619464645964522012-04-18T05:05:00.001-04:002012-04-18T05:07:37.759-04:00Poste d'écouteInstallé sur un poste d'attente à St-Henri, je baisse les fenêtres du
taxi et le son de la musique. La semaine achève, le jour se couche, le
soir est doux, je ferme les yeux et j'écoute la ville, j'écoute la vie.<br />
<br />
J'entends l'éclat de rire d'une femme qui parle au téléphone. Elle
s'approche lentement dans ma direction et je devine qu'elle discute avec
une copine. Un rendez-vous est prévu pour plus tard avec un certain
Kevin qui travaille dans un bureau de je ne sais quoi, interrompu par
les cris de trois enfants sur leurs bicyclettes qui arrivent en trombe
du sens opposé. Ils se croisent dans la stridulation d'un vieil Echo aux
freins finis qui stoppe au feu. Derrière le tacot, une BMW aux vitres
teintées arrive avec les basses à fond mon Léon. Le temps d'un
changement de lumière, la rue vibre sur 100 mètres à la ronde sur un
gros beat hip-hop.<br />
<br />
La vibration va s'estomper lentement et les jappements d'un gros chien
provenant d'une cour pas loin vont prendre la place. Encore plus loin,
se font entendre les sirènes de plusieurs autos-patrouille. Une légère
bourrasque fait grincer une gouttière mal fixée sur un vieux triplex
derrière le poste. Un klaxon me fait tourner la tête vers un impatient
qui gueule son stress de fin de journée. Un couple de Français tenant
une petite par la main passe. L'enfant geint pour une raison que
j'ignore. La femme lui demande : c'est quoi ce Trafalgar? L'expression
sonne bien dans mes oreilles.<br />
<br />
Au loin, l'arrivée d'un train de marchandises se précise. Lentement, le
bruit des roues métalliques du convoi s'immisce dans le brouhaha
ambiant. Le bruit du moteur d'une moto, celui de la porte mal fermée
d'un gros camion blanc, le bla-bla d'un radio-taxi d'un
confrère-compétiteur qui arrive au poste, du son d'un skateboard qui
saute sur le trottoir d'en face, du chien qui jappe toujours, de son
maître qui s'y est mis à son tour, d'un autobus qui passe et des
quelques conversations de passants qui s'ajoutent à la cacophonie ambiante.<br />
<br />
J'essaie d'imaginer à quoi pourraient ressembler tous les bruits d'une
ville si l'on pouvait les mettre ensemble. Je m'imagine monter lentement
au-dessus de Montréal pour entendre ce smog auditif, pour en saisir la
sonorité, pour en écouter la musique.<br />
<br />
Un « Taxi » bien tonitruant me sort de cette rêverie. Un homme de
l'autre côté de la rue agite la main et l'ensemble de mes autres sens
est requis.<br />
<br />
Je redémarre l'auto et m'engouffre dans cette belle clameur urbaine.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-23000808446903855582012-04-04T03:37:00.000-04:002012-04-04T03:48:18.991-04:00Bishop/Ste-Cath Fin mars<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgT50M2L3T4b6UeBtMcE9sz0NiedXr6E-F0O5RFxpUzb2trYaxlpLSMjPv7mqYmFZrCJqIPp8JEXU70O05EY6-R2OgmAXZ3zH7tNyUgGggUMMHQt1jRzgUwhQocF_OQOmgd_5E/s1600/Fin+mars+2012+007.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="262" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgT50M2L3T4b6UeBtMcE9sz0NiedXr6E-F0O5RFxpUzb2trYaxlpLSMjPv7mqYmFZrCJqIPp8JEXU70O05EY6-R2OgmAXZ3zH7tNyUgGggUMMHQt1jRzgUwhQocF_OQOmgd_5E/s400/Fin+mars+2012+007.JPG" width="400" /></a></div>
<br />Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-3848378564780636222012-03-28T02:18:00.000-04:002012-03-28T02:20:07.504-04:00Voir rougeQuelle belle marée rouge sur la ville la semaine dernière! Quand on a un minimum de conscience sociale, on ne peut faire autrement qu'être remué par ce mouvement étudiant. Moi qui habituellement ne cherche pas la confrontation dans mon taxi, me voilà en train d'argumenter avec ceux qui ne sont pas d'accord avec ces manifestations.<br /><br />D'abord, quelques chauffeurs au garage qui ne voient que les entraves de circulation. Déjà qu'ils auront du mal a envoyer leurs propres enfants à l'Université avec leur salaire de crève-faim. Eux, comme bien d'autres ne voient pas plus loin que leurs petits intérêts du moment! En même temps, c'est difficile de voir à long terme quand les fins de mois arrivent aussi vites.<br /><br />Je présume que les chauffeurs de taxi en général doivent se plaindre du trafic engendré par ces intempestives marches, car d'emblée, certains passagers entament leurs conversations sur ce sujet.<br /><br />— Bah! Personnellement ça me dérange pas, ça me fait faire des détours... Par où voulez-vous passer déjà?<br /><br />Évidemment, je déconne un peu. Ce n'est pas parce que je ne suis pas d'accord avec leurs visions des choses que je fais moins mal mon travail. En plus, j'aime bien entendre leurs arguments. Comme cette dame de qui a trouvé bien terrible de voir à la télévision ces méchants étudiants s'en prendre à la police (sic) ou ce jeune torontois qui me demandait pourquoi j'étais pour ce mouvement?<br /><br />— Ben tu ne trouves pas qu'on paye déjà assez de taxes ici au Québec?<br /><br />On s'est rapidement mis d'accord...<br /><br />Et puis cet autre qui voudrait que l'armée intervienne pour les faire rentrer dans le rang.<br /><br />— Cibole man! On n’est pas en Syrie! À ce que je sache, on a encore le droit de manifester, on est en démocratie!<br /><br />Heureusement, j'embarque aussi quelques d'étudiants qui ont participé à cette grande marche. (Rassurez-vous, M. Martineau, Gendron et compagnie... ils se mettent souvent à plusieurs pour partager les coûts...) Quelle joie de voir leur fébrilité, leur énergie et leur volonté de vraiment changer les choses.<br /><br />Un d'eux me demande :<br /><br />— Mais vous, Monsieur le taxi? Pourquoi êtes-vous pour la grève?<br /><br />— Pour tout dire, si je fais du taxi aujourd'hui c'est en bonne partie à cause du gouvernement Bourassa qui a dégelé les frais universitaires en 89. À l'époque, je ne voulais pas m'endetter et j'ai décidé de prendre une pause pour réfléchir. Comme tu vois, la réflexion se poursuit toujours. Si le mouvement étudiant avait été aussi fort à l'époque qu'il l'est aujourd'hui, je ne serais probablement pas ici pour te jaser. En tous cas j'espère que vous allez faire plier Charest! Faut pas lâcher!<br /><br />Quand il a débarqué du taxi, il a détaché son petit carré rouge de sa veste et il me l'a donné.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com18tag:blogger.com,1999:blog-16301277.post-48266360008421254362012-03-14T05:30:00.002-04:002012-03-14T05:33:54.007-04:00Transports printaniersLe changement d'heure s'est synchronisé avec le changement de saison cette année. Même si nous ne sommes pas encore à l'abri des derniers soubresauts d'un hiver qui s'est avéré somme toute plutôt clément, on ne se trompe pas trop en disant que le printemps est arrivé.<br /><br />Ça se sent dans les rues de la ville. Ça se manifeste. J'espère que le printemps sera chaud et que Monsieur et Madame tout le monde auront envie de sortir dans les rues rejoindre les étudiants qui leur pavent la voie. D'ailleurs, ça me démange de mettre un carré rouge à l'antenne du taxi. Pas la meilleure idée pour éviter les contraventions par contre... Alors, j'évite, comme les nids de poules qui auront tôt fait d'achever ce qui me reste suspension.<br /><br />Le printemps se manifeste aussi de bien d'autres façons. Il n'y a pas juste la sève qui remonte dans les arbres.<br /><br />J'embarque ce couple en redescendant vers le sud sur Saint-Denis. Une femme rousse me dit rapidement sa destination et saute sur l'homme barbu à ses côtés pour lui « manger la face». Difficile pour moi de faire comme si je n'étais pas là. Je monte le son de la radio et tente de faire comme si de rien n'était.<br /><br />— T'étais pas comme ça dans le bar! Dis l'homme qui n'a quand même pas trop l'air de s'en plaindre.<br /><br />— Ah ouain? Attends de me voir taleure... lui répond la femme qui n'a pas la langue dans sa poche.<br /><br />À la radio, tourne une toune en anglais alors qu'en arrière ça se frenche à qui mieux mieux. Deux définitions du mot chauffer se retrouvent dans le même véhicule.<br />Alors que je m'arrête à une intersection, la musique baisse juste ce qu'il faut d'intensité pour que j'entende le son d'une fermeture éclair s'ouvrir lentement. Le barbu tousse, la rousse glousse en glissant sa face contre ses cuisses. Pour éviter que ça éclabousse, je songe à intervenir, mais comme on est presque arrivé à destination, c'est avec adresse que je leur laisse du lousse.<br /><br />Même pas cinq minutes plus tard, monte à bord du taxi un autre couple beaucoup plus jeune qui va s'échanger de jolies banalités tout le long de la course. Je sens leur envie à fleur de peau et comme de fait, arrivé à destination pour déposer dans un premier temps mademoiselle, le timide jeune homme se décide et l'embrasse sur la bouche. Je vais rester là pendant deux longues minutes, le temps d'un premier baiser.<br /><br />Quand la portière se referme, le jeune homme peine à me dire où il veut aller. C'est juste si je n'entends pas son petit coeur battre dans sa poitrine. En silence, je vais le raccompagner chez lui en l'écoutant soupirer langoureusement plusieurs fois. Il est au septième ciel et je ne veux pas troubler son émoi. Je me demande si les phéromones laissées par le couple précédent n'ont pas joué un rôle quelconque dans ce qui vient de se passer et je souris en regardant de temps en temps dans mon rétroviseur ce transporté de joie.Pierre-Léon Lalondehttp://www.blogger.com/profile/10891027077296925752noreply@blogger.com5