La petite
J'attends depuis une heure devant le métro Laurier. J'ai le nez plongé dans le dernier pavé de James Ellroy. Le genre de livre à te dégoûter d'écrire. Le genre de livre à te dégoûter de l'humanité. C'est écrit sec comme une rafale d'automatique. Ça saigne, ça cogne, j'encaisse et en redemande. Ça me permet d'être ailleurs même si je stagne au même endroit depuis trop longtemps déjà.
Je ne vois pas la petite arriver. C'est le claquement de la portière qui me fait lever le nez de mon livre.
C'est une ado de 15-16 ans qui porte un molletonné argenté avec un capuchon de fausse fourrure et une casquette d'un club de basket que je ne reconnaît pas. On la croirait sortie d'un vidéoclip de gangsta rap. Je démarre le taxi quand elle me demande :
— Yo monsieur! Peux-tu m'amener au coin de Rosemont pis de la 18e? Je suis late pour la fête de ma best. Peux-tu faire ça vite? Genre?
Je souris et tourne le coin sur les chapeaux de roues. L'ado est sympa et s'informe de ma soirée. Je lui mens que ça va bien et détourne la conversation à propos de la fête où elle s'en va. Elle me dit qu'elle est "full" en retard, mais qu'elle apporte un cadeau spécial pour se faire pardonner. Elle me demande si je veux le voir et j'attends qu'une lumière passe au rouge pour me retourner vers elle. La jeune fille baisse alors la fermeture de son manteau pour me dévoiler, bien blotti dans le creux de ses seins un tout petit chat gris.
— Il a l'air bien! Lui dis-je. Ça la fait rire à son tour.
Entre les ronronnements du chat et celui du moteur. La jeune fille me confie ses problèmes de coeur. Me parle de son ex qui est en prison. Me propose quelques chapitres de son existence. Le genre de témoignage qu'il faut savoir lire entre les lignes.
Je suis retourné lire celles de mon livre après l'avoir déposé à destination. Entre les meurtres gratuits de policiers véreux, les complots sordides d'Edgar G. Hoover et le déprimant manque de passagers dans mon taxi, je me suis repassé en boucle le rire de la petite avec un chat au creux des seins.
Ça m'a aidé à passer au travers la semaine.
Je ne vois pas la petite arriver. C'est le claquement de la portière qui me fait lever le nez de mon livre.
C'est une ado de 15-16 ans qui porte un molletonné argenté avec un capuchon de fausse fourrure et une casquette d'un club de basket que je ne reconnaît pas. On la croirait sortie d'un vidéoclip de gangsta rap. Je démarre le taxi quand elle me demande :
— Yo monsieur! Peux-tu m'amener au coin de Rosemont pis de la 18e? Je suis late pour la fête de ma best. Peux-tu faire ça vite? Genre?
Je souris et tourne le coin sur les chapeaux de roues. L'ado est sympa et s'informe de ma soirée. Je lui mens que ça va bien et détourne la conversation à propos de la fête où elle s'en va. Elle me dit qu'elle est "full" en retard, mais qu'elle apporte un cadeau spécial pour se faire pardonner. Elle me demande si je veux le voir et j'attends qu'une lumière passe au rouge pour me retourner vers elle. La jeune fille baisse alors la fermeture de son manteau pour me dévoiler, bien blotti dans le creux de ses seins un tout petit chat gris.
— Il a l'air bien! Lui dis-je. Ça la fait rire à son tour.
Entre les ronronnements du chat et celui du moteur. La jeune fille me confie ses problèmes de coeur. Me parle de son ex qui est en prison. Me propose quelques chapitres de son existence. Le genre de témoignage qu'il faut savoir lire entre les lignes.
Je suis retourné lire celles de mon livre après l'avoir déposé à destination. Entre les meurtres gratuits de policiers véreux, les complots sordides d'Edgar G. Hoover et le déprimant manque de passagers dans mon taxi, je me suis repassé en boucle le rire de la petite avec un chat au creux des seins.
Ça m'a aidé à passer au travers la semaine.
9 Comments:
Et te lire fait ma journée en cette journée grise de Regina... Mais fait-toi en pas: le rose s'en vient bientôt!
Quel métier plein d'humanité et de surprises ! Toujours un plaisir de te lire...
J'ai été absorbée par cette histoire troublante mais jolie.
Bonne continuation
Je triche, c'est permis, en attendant la sortie en bouquin de tes billets, j'aime tellement te lire en enfilade, mais là le titre m'a attirée, le début du paragraphe, de l'aimant.
Les lignes, les chapitres, les bouquins, c'est jamais comme le rire d'une ado qui s'ouvre à un étranger juste parce qu'elle est disponible, bien en vie, parce qu'elle sent l'être bon qu'elle a en face d'elle et va au-delà des apparences que prennent les apparences. Un instant de confiance complice.
James Ellroy, hein? Je note ! C'est de toute évidence le genre de livre fait pour vivre, quelques heures, une autre vie. J'en ai souvent besoin.
Tout juste, le rire d'une ado ...
Merci, pour deux minutes, je me suis accrochée à vos mots. Ne vous découragez jamais d'écrire. Vous rendez certainement des gens heureux autour de vous. Vous avez un vrai talent, tout le monde le dit. Ça fait des années que je vous lis. Maintenant, j'écris aussi!
Merci le hazard qui m'a faire prendre ce taxi.
J'y reviendrai
Bises du Poitou
Chat vaut la peine...
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