Le dernier motel
Ça fait près d'une quinzaine de minutes que j'attends dans le parking de ce motel décrépit. De tous les motels de bas ordre qu'on retrouve le long de la rue Saint-Jacques, c'est de loin le plus délabré. Dans les reflets d'un soleil qui descend lentement, tout semble baigner dans la pisse. Accoudé à la balustrade rouillée du deuxième, un noir portant des verres fumés et un ensemble de basketteur défraîchi m'observe en grignotant un cure-dent. Plus loin, un homme vêtu seulement d'un pantalon joue avec sa longue barbe sale en discutant avec lui-même. J'observe ensuite une femme d'une maigreur horrible sortir d'une des chambres en claquant la porte. Flottant dans ses vêtements, elle porte sur elle tous les ravages du crystal meth. Tant bien que mal, je réponds au sourire édenté qu'elle m'offre en passant à côté du taxi.
Tout est sale ici. Même l'amour propre a foutu le camp.
Ça fait quinze minutes que j'attends. Je regarde le petit sac à main que la cliente a laissé et je ne tente même pas de deviner ce qu'il contient. Je sais que je ne verrai pas la couleur des 30 dollars qui s'affichent au compteur. La jeune amérindienne attend toujours devant une porte de chambre qui ne s'ouvre pas. Dans son regard hébété, je comprends que la réalité n'a plus grand emprise sur elle. Je comprends aussi que ça ne servira à rien de m'énerver. En fait, vu la destination de la course, je m'y attendais un peu.
Quand je réalise que je n'ai qu'à moi à m'en prendre, j'appelle la cliente, lui redonne son sac et reprends la route. Depuis, je songe aux êtres qui viennent s'échouer dans ce motel. Aux êtres qui se retrouvent tout au bout de ce que la vie a à offrir.
Pour certains, c'est le dernier motel avant le grand voyage.
Tout est sale ici. Même l'amour propre a foutu le camp.
Ça fait quinze minutes que j'attends. Je regarde le petit sac à main que la cliente a laissé et je ne tente même pas de deviner ce qu'il contient. Je sais que je ne verrai pas la couleur des 30 dollars qui s'affichent au compteur. La jeune amérindienne attend toujours devant une porte de chambre qui ne s'ouvre pas. Dans son regard hébété, je comprends que la réalité n'a plus grand emprise sur elle. Je comprends aussi que ça ne servira à rien de m'énerver. En fait, vu la destination de la course, je m'y attendais un peu.
Quand je réalise que je n'ai qu'à moi à m'en prendre, j'appelle la cliente, lui redonne son sac et reprends la route. Depuis, je songe aux êtres qui viennent s'échouer dans ce motel. Aux êtres qui se retrouvent tout au bout de ce que la vie a à offrir.
Pour certains, c'est le dernier motel avant le grand voyage.
7 Comments:
Ce n'est plus un motel de passes, mais un motel de restes...
Ce petit coin de Saint-Jacques est tellement triste (si c'est celui auquel je pense, près de NDG). Il y a un centre pour les autochtones du grand nord. Une sorte de CLSC situé un peu loin de ses clients potentiels...
J'parle à travers mon chapeau.
Ouf, en effet! Une réalité consternante magnifiquement dépeinte. Tout un observatoire sur le monde que le métier de chauffeur de taxi!
Wow, il est vraiment touchant ton blog, je suis en train de dévorer tes textes. Je fais une belle découverte.
Les motels sont des endroits mythiques, je trouve, ces lieux ont quelque chose d'étrange que ton écriture rend vraiment bien dans ce post!
"Aux êtres qui se retrouvent tout au bout de ce que la vie a à offrir."
Je te cite parce qu'il y a tellement peu à dire de plus. Tout est dit ici. Sans rien dire. Parfois, on atteint le bout de la vie. Cette phrase-là, c'est du désespoir incarné.
Un beau texte, d'une dignité à couper le souffle.
ce n'est peut-être pas le dernier stop avant le grand voyage c'est peut-être le début d'une prise de conscience... malgré les images, les senteurs etc je sais que cé dure a croire mais faut se dire que tant qu'il y a vie il y a espoir.
merci d'avoir peint cette facette que beaucoup de gens vivent!
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