Je t'
La fille quitte le bar La Tulipe en trombe. J'arrive à sa hauteur juste quand elle lève le bras. Elle monte derrière sans me saluer et me demande de l'amener près du carré Saint-Louis avant de se vautrer sur la banquette. Je comprends au ton, que ça ne sera pas nécessaire de lui demander si sa soirée a été bonne. Je décolle et monte le son de la radio qui joue un blues langoureux. Je n'ai pas cent mètres de fait que la fille se met à sangloter.
Une autre histoire de coeur qui a mal tourné.
Rien que le temps n'arrangera pas d'une façon ou d'une autre. N'empêche que pour l'instant, la fille verse les larmes et se noie dans la tristesse. Son accablement me touche et pense lui dire quelque chose de réconfortant, lui offrir quelques phrases bien senties pour montrer mon empathie. Mais je n'ose pas. J'ai le sentiment qu'il y a rien que je pourrais dire qui la sortirait de ce désenchantement.
La neige recommence à tomber. Je roule sur la rue Marie-Anne tranquillement pas vite. C'est glissant et les autos stationnées un peu n'importe comment m'obligent à y aller mollo. Stoppé à la lumière au coin de la rue De Laroche, je me tourne vers l'âme en peine qui continue de pleurer. Ses joues se sont maculées de mascara et ça semble être le dernier de ses soucis. Je fouille dans l'espace de rangement de l'appuie-bras, prends quelques "napkins " et lui tends. Elle se tourne vers la fenêtre et se mouche en regardant les flocons tomber. Son histoire d'amour n'aura pas traversé la saison.
Arrivé au coin de Saint-Denis, un cortège de camions de déneigement m'empêche d'aller plus loin. Va falloir attendre quelques minutes. La fille sans dire quoi que ce soit me donne un 10 $ et sort du taxi. Je la regarde tourner le coin vers le sud quand je vois sur l'angle du mur un graffiti au pochoir qui dit : "Je t'aime ". Dans le reflet des lumières de la rue, les lettres : aime ont perdu toute leur brillance. Je ne peux m'empêcher de lire à voix haute le reste des lettres.
Je t' ... Je t'ai... Jeter...
Rien que le temps n'arrangera pas d'une façon ou d'une autre.
Une autre histoire de coeur qui a mal tourné.
Rien que le temps n'arrangera pas d'une façon ou d'une autre. N'empêche que pour l'instant, la fille verse les larmes et se noie dans la tristesse. Son accablement me touche et pense lui dire quelque chose de réconfortant, lui offrir quelques phrases bien senties pour montrer mon empathie. Mais je n'ose pas. J'ai le sentiment qu'il y a rien que je pourrais dire qui la sortirait de ce désenchantement.
La neige recommence à tomber. Je roule sur la rue Marie-Anne tranquillement pas vite. C'est glissant et les autos stationnées un peu n'importe comment m'obligent à y aller mollo. Stoppé à la lumière au coin de la rue De Laroche, je me tourne vers l'âme en peine qui continue de pleurer. Ses joues se sont maculées de mascara et ça semble être le dernier de ses soucis. Je fouille dans l'espace de rangement de l'appuie-bras, prends quelques "napkins " et lui tends. Elle se tourne vers la fenêtre et se mouche en regardant les flocons tomber. Son histoire d'amour n'aura pas traversé la saison.
Arrivé au coin de Saint-Denis, un cortège de camions de déneigement m'empêche d'aller plus loin. Va falloir attendre quelques minutes. La fille sans dire quoi que ce soit me donne un 10 $ et sort du taxi. Je la regarde tourner le coin vers le sud quand je vois sur l'angle du mur un graffiti au pochoir qui dit : "Je t'aime ". Dans le reflet des lumières de la rue, les lettres : aime ont perdu toute leur brillance. Je ne peux m'empêcher de lire à voix haute le reste des lettres.
Je t' ... Je t'ai... Jeter...
Rien que le temps n'arrangera pas d'une façon ou d'une autre.
24 Comments:
Je tais?
Un billet doux amer comme tu en écris si bien.
Effectivement. Un très beau billet. Bravo!
Oui, tout comme un taximètre, il faut initier un décompte et attendre que la valeur soit suffisamment élevée pour réaliser que le point de départ est maintenant loin derrière nous... La période de deuil est inévitable mais son aboutissement l'est tout autant.
Beau texte P-L !
Tu as si bien rendu le chagrin de cette fille que j'ai eu envie de pleurer avec elle. Mamali
C'est vrai que des fois, le silence vaut son pesant d'or. Merci d'être là Léon !
une histoire triste,je me suis mise à ta place…
Toi et les mots. Tu sais vraiment les raconter.
Salut !!
Ya certaines peines qui restent toute une vie aussi.
doux amer c'est le bon mot.
Moi je suis cette fille là...mais je suis pas sortie à La tulippe depuis trop longtemps...
quand le mascara macule mes joues et que deux grands yeux de quelqu'un que sa job est d'être là me donne des kleenex en silence..c'est encore mieux qu'une caresse crois moi.
Merci P-L
d'écrire tout ça.
Je t'ai... Pas jeté. Magnifique.
Oufff, tu devais te sentir mal... Comme dit M, t'as fait ce qu'il fallait faire, y'a pas grand chose d'intelligent à dire dans ces cas-là.
À part peut-être: ''C'est qui l'écoeurant, que je le nomme sur mon blogue''
:-))
La pauvre fille, j'espère qu'il y a quelqu'un pour la consoler aujourd'hui.
Wow, tu m'as presque tiré les larmes des yeux. On l'imagine tous très bien, solitaire et perdue dans la mélancolie d'une peine d'amour. Mais en effet, comme dise les autres, et j'appuie leur dire par un presque DEC en travail social: la MEILLEURE chose que tu pouvais faire, c'est de lui tendre quelque chose pour lui montrer que c'était bien de pleurer. Si elle avait voulu parler, elle l'aurait fait. Champion tu es, comme toujours :)
Le temps guérrira la plaie mais la cicatrice elle?
Bonjour Pierre-Léon!
Ça fait un bout de temps que je lis de temps à autre tes chroniques de taxi de nuit. J'adore le ton de la confidence, ton humour et tes photos, tes histoires sont toujours intéressantes et j'ai vraiment hâte de lire le livre! J'ai été particulièrement touchée par l'histoire de "Pink-Punk" entre autres. Elle me rappelle des jeunes squeegies de Vancouver que je voyais sur les coins de rue quand j'habitais là. Et quand à ce dernier post... tu sais, la fille qui pleure dans un taxi, ça a souvent été moi....... faisant l'aller-retour entre chez moi et chez mon chum dans un sens ou dans l'autre....[nous sommes encore ensemble après 2 ans donc... y'a de l'espoir malgré les apparences d'un soir, parfois...]
Bonne continuation et sois prudent sur la route!
T'es-tu fais pogner par le fisc?
juste que votre façon d'écrire est touchante, et que je reviendrai :)
Oui, il y a ici une façon touchante de décrire la réalité d'un chauffeur de taxi, la réalité tout court.
Moi, j'adore prendre le taxi. Quand on se donne la peine de dépasser le sujet de la météo, on apprend des tas de choses sur la politique, les amours, les clients chialeux et tout le reste.
D'habitude ce sont les chauffeurs qui tentent l'oreille. Moi, j'aime bien les écouter, ils en savent beaucoup sur le genre humain et inhumain...
Merci à tous les Pierre-Léon!
Francine, la magasineuse
C'est un pur délice de venir te lire... xox
Merci pour la course
j'aime beaucoup l'ambiance chez toi
le mot qui retourne...toujours a la fin...
J'adore ce texte, c'est comme un film qui défile. Les pleurs jaillissent, on avance et les mûrs s'expriment. À fleur de peau, la brique même est sensible.
Très touchant. Je me demande si je pourrai jamais rendre autant d'émotions à l'écrit. Bravo!
Je viens d'arriver ce soir pour la premiere fois sur ton blog, ce que tu ecris est magnifique, quelle jolie ecriture, je reviendrai, attend, je t'ajoute aux favoris.
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