Course dangeureuse
Trop tard pour passer mon chemin. La portière est ouverte et un des deux gars attend son chum debout à côté du taxi. L'autre vient de finir de se la secouer dans une ruelle. Je le vois s'approcher en zigzaguant, la main remontant sa braguette. J'aperçois surtout les traces de sang sur son t-shirt. Tout dans son attitude rime avec problèmes. Une belle brute épaisse encouragée par son comparse qui en y regardant de plus près n'a pas l'air tellement plus brillant.
Avant que brute épaisse arrive, je baisse le son de la musique et monte le radio-taxi. Quand les deux mecs montent à bord, l'ambiance dans la voiture est glaciale. Je joue au taximan qu'il ne vaut mieux pas écoeurer. J'ai beau être doux comme un agneau (si, si ! ;-)) je n’ai pas la gueule qui va avec. Des fois, ça peut servir.
À l'odeur, je devine que les gars ont commencé de bonne heure. Un beau concentré de fond de tonne. Je pars le taximètre, mais pas le véhicule, j'attends qu'on me dise où aller.
J'espère que ce n'est pas trop loin. Brute épaisse a de la misère à articuler une phrase complète et semble plus enclin de jaser de la bagarre dans laquelle il vient d'être impliqué.
L'autre rigole et aimerait bien que j'aille du fun avec eux. Mais ça ne sera pas le cas.
Je viens de passer la soirée et une partie de la nuit à jaser de température, du prix du gaz, de Gilles Duceppe, de tout et de rien avec tout un chacun. Je me suis fait barouetter dans tous les sens, mon dos me fait mal et mes ressources en patience se raréfient. Bref, j'ai hâte que la nuit finisse. Encore une heure puis mon compte est bon.
Les gars n'ont pas l'air commode. Ils sont chauds et ont l'air d'avoir le goût de me niaiser. Ça fait une bonne minute qu'ils sont assis dans le taxi et je ne sais toujours pas où l'on va.
Je me mets à descendre Saint-Denis à basse vitesse. Je reste calme et sur mes gardes. Dans le rétroviseur, je capte enfin le regard de celui qui semble moins "geurlot ". Ça semble le réveiller un peu.
— Amène-nous au Déli-Miami su Sherbrooke. Sais-tu c'est où.
Je fais oui de la tête et pèse sur le gaz. Les gars vont en avoir pour leur argent. Il est pas loin de quatre heures du mat et le trafic de la fermeture des bars n'est pas tout à fait fini.
Je me mets à clencher et commence à tricoter entre les autos. À quelques reprises, je dépasse sur la droite aux intersections. C'est hors de question que je reste stoppé trop longtemps avec ces deux allumés.
Juste avant Sherbrooke, je tourne en faisant crier les pneus sur la gauche sur des Malines et contourne le métro pour éviter la lumière du coin qui est toujours longue. Je reprends vers l'est en coupant quelques voitures qui s'en venaient et remets la pédale au tapis pour passer sur une jaune foncée au coin de St-André.
Arrêté à Amherst, j'attends un peu en retrait du véhicule en avant de moi pour le passer sur la droite quand la lumière va changer. Derrière je sens les gars un peu plus calmes. Déjà je sais que je n'aurai pas de trouble avec ces deux là. À dangereux, dangereux et demi. Sauf que contrairement à ces deux types, je suis sobre, j'ai l'oeil alerte et les années passées dans mon taxi m'ont appris à adapter ma conduite en fonction du client. C'est ma technique : contrer le feu par le feu.
D'ailleurs, je n'attends pas qu'il change pour continuer ma route effrénée. Comme les gars ne disent plus rien derrière, je remonte le son de la radio. CHOM joue London Calling des Clashs... Ça sonne bien dans mes oreilles, pour clencher c'est dur à battre. C'est ce que je vais faire jusque dans le parking du Miami au coin de Plamondon. Les deux gars sont impressionnés et je ne me suis pas seulement évité le trouble, je me suis mérité un dix de pourboire.
Je suis revenu tranquillement vers le centre-ville finir ma nuit...
Avant que brute épaisse arrive, je baisse le son de la musique et monte le radio-taxi. Quand les deux mecs montent à bord, l'ambiance dans la voiture est glaciale. Je joue au taximan qu'il ne vaut mieux pas écoeurer. J'ai beau être doux comme un agneau (si, si ! ;-)) je n’ai pas la gueule qui va avec. Des fois, ça peut servir.
À l'odeur, je devine que les gars ont commencé de bonne heure. Un beau concentré de fond de tonne. Je pars le taximètre, mais pas le véhicule, j'attends qu'on me dise où aller.
J'espère que ce n'est pas trop loin. Brute épaisse a de la misère à articuler une phrase complète et semble plus enclin de jaser de la bagarre dans laquelle il vient d'être impliqué.
L'autre rigole et aimerait bien que j'aille du fun avec eux. Mais ça ne sera pas le cas.
Je viens de passer la soirée et une partie de la nuit à jaser de température, du prix du gaz, de Gilles Duceppe, de tout et de rien avec tout un chacun. Je me suis fait barouetter dans tous les sens, mon dos me fait mal et mes ressources en patience se raréfient. Bref, j'ai hâte que la nuit finisse. Encore une heure puis mon compte est bon.
Les gars n'ont pas l'air commode. Ils sont chauds et ont l'air d'avoir le goût de me niaiser. Ça fait une bonne minute qu'ils sont assis dans le taxi et je ne sais toujours pas où l'on va.
Je me mets à descendre Saint-Denis à basse vitesse. Je reste calme et sur mes gardes. Dans le rétroviseur, je capte enfin le regard de celui qui semble moins "geurlot ". Ça semble le réveiller un peu.
— Amène-nous au Déli-Miami su Sherbrooke. Sais-tu c'est où.
Je fais oui de la tête et pèse sur le gaz. Les gars vont en avoir pour leur argent. Il est pas loin de quatre heures du mat et le trafic de la fermeture des bars n'est pas tout à fait fini.
Je me mets à clencher et commence à tricoter entre les autos. À quelques reprises, je dépasse sur la droite aux intersections. C'est hors de question que je reste stoppé trop longtemps avec ces deux allumés.
Juste avant Sherbrooke, je tourne en faisant crier les pneus sur la gauche sur des Malines et contourne le métro pour éviter la lumière du coin qui est toujours longue. Je reprends vers l'est en coupant quelques voitures qui s'en venaient et remets la pédale au tapis pour passer sur une jaune foncée au coin de St-André.
Arrêté à Amherst, j'attends un peu en retrait du véhicule en avant de moi pour le passer sur la droite quand la lumière va changer. Derrière je sens les gars un peu plus calmes. Déjà je sais que je n'aurai pas de trouble avec ces deux là. À dangereux, dangereux et demi. Sauf que contrairement à ces deux types, je suis sobre, j'ai l'oeil alerte et les années passées dans mon taxi m'ont appris à adapter ma conduite en fonction du client. C'est ma technique : contrer le feu par le feu.
D'ailleurs, je n'attends pas qu'il change pour continuer ma route effrénée. Comme les gars ne disent plus rien derrière, je remonte le son de la radio. CHOM joue London Calling des Clashs... Ça sonne bien dans mes oreilles, pour clencher c'est dur à battre. C'est ce que je vais faire jusque dans le parking du Miami au coin de Plamondon. Les deux gars sont impressionnés et je ne me suis pas seulement évité le trouble, je me suis mérité un dix de pourboire.
Je suis revenu tranquillement vers le centre-ville finir ma nuit...
22 Comments:
Cher Pierre-Léon,
Je n'écris pas souvent sur ton blogue, mais te lis régulièrement étant dans mes favoris.
Difficile de ne pas s'intéresser à tes textes.
Tes mots nous amènent là ou tu veux bien. La balade dans ton taxi, on la fait avec toi.
Chaque courbe, chaque arrêt! Je dirais plus que je sens le souffle puant des deux gorlos dans mon cou.
Continue de nous captiver avec ta plume. J'aime beaucoup de lire.
Expérience et sang froid! Bravo Pierre-Léon.
Je ne serai jamais chauffeur de taxi et surtout pas la nuit.:)
Que de nuits terminées au Miami...
Merci de me rappeler ces beaux souvenirs :-)
Bien amusant comme texte ;). Fait juste attention, tu m'as fait peur en roulant vite de meme!! :)
*meuh non c'etait pas moi dans le taxi! ;)*
Le problème quand on travaille avec le public, c'est le public...
Right on!
Beau billet, un autre. Je trouve quand même qu'il y a de l,exagération. Franchement quand on y pense:
Un dix de pourboire!
Texte aussi bien maîtrisé que la conduite on dirait; j'ai été pris dans l'ambiance et j'ai bien cru que ça allait déraper, mais non, fin tranquille... Bien joué :)
Attention quand même, le feu par le feud d'accord mais qui joue avec le feu fini par se brûler... Ca serait bête.
Très beau texte même si j'ai pas tout compris... bah oui désolée je suis suisse.
Je me suis fait barouetter... j'ai passé la nuit à jaser... pour clencher c'est dur à battre ????
Ahahahaha j'adore le Quebec !
Cher Pierre-Léon,
Des fois, vous n'auriez pas envie de faire le taxi sur une petite île bien tranquille?
Sans blague, j'en ai eu peur, moi de vos deux bums!
Apres ca vous vous demandez pourquoi nous les conducteurs on vous déteste les chauffeur de taxi, vous conduisez comme si la ville vous appartenais et que vous étiez seul sur la route.
Next time si des clients te font peur ta juste a pas les embarqué, a ce que je sache c'est ton taxi tu embarque bien qui tu veux.
Mais ne met pas la vie d'innocente personne en péril parce que tu chies dans tes culottes.
Voilà une réaction au top. Bravo. Tu as un super job et je pense que tu dois en voir des vertes et des pas mûres…C'est ça qui est génial.
Et bah, quelle épopée !!!
Je reviens sur ce que disait "ficelle" précédemment, c'est vrai que la facon que tu as d'écrire nous fais vraiment vivre tes histoire comme si on y était, on prend un peu ta place au volant de ton taxi !
Merci donc pour tous ces récits :)
D'ailleurs as-tu des nouvelles de ton vieux collègue Normand ?
Encore une fois, félicitations pour ton sang-froid !! ;)
et pour la suisse :D
se faire barouetter = se faire promener
jaser = parler
clencher = démarrer très vite, "plus vite que"
traduction libre... lol !
Merci pour la traduction Zabel !
J'adore ces expressions québecoises même si la plupart des fois je ne fais qu'imaginer ce que ça peut bien vouloir dire ;)
Ce qu'on appelle avoir des couilles!!
Très astucieuse ta technique au mieux tu rammasse un pourboire pour le "show" rendu...au pire un ticket des polices qui te débarasse des vilains !!!
J'aime ta façon d'écrire. Quand je lis tes postes, j'ai l'impression d'être cachée dans un coin de ton taxi, coincée entre deux clients qui ignorent ma présence!
J'aime!
T'aurais pas ramassé mon ex hier soir? Hahaha.. Pas loin du Centre Bell.
Sérieux, ça doit pas être de chauffer la nuit, c'était vraiment intéressant ton texte. J'ai jamais vu ça un taxi qui conduit comme ça. Impressionnant.
Bonjour Pierre-Léon! Je viens lire depuis quelques temps sur ton blogue. J'aime beaucoup ta façon d'écrire et je me suis décidé a aller acheter ton livre. J'ai commencé par la fin, mais je ne l'ai pas encore fini. C'est pareil comme ton blogue, mais au moins le livre je le garderai toujours avec moi.
Wow, j'ai mal au coeur et chus toute etourdie....ca brasse dans ton taxi.
Fais attention aux autres automobilistes...ils pourraient etre tes prochains clients....
J'vas rester cool si j'embarque avec toi un jour.......
Fais attention a toi aussi...j'aime ton blog....
Enfin, un conducteur habile qui ne perd pas son temps. J'aime bien ton style.
Comment peut-on te rejoindre quand on souhaite faire une vraie course en taxi?
de passage merci (zio peppino !) c'est du audiart à la sauce(quebequoise ? quebecoise? quebecquoise ? quebekoise ? je sens que ça commence mal ! ) ... montréalaise .... bon en tout cas j'adore ... merci pour le voyage !
Enregistrer un commentaire
<< Home