18.2.08

Passagers d'hiver

Ce lundi matin, ça me démange, ça me dit de vous jaser un peu de mon week-end. Entre autres chialeux d'hiver, j'ai eu à mon bord de bien beaux spécimens d'humains.

J'ai tourné en rond sur le plateau en compagnie d'une femme exacerbée et complètement frigorifiée qui cherchait en vain sa Volks depuis une demi-heure. Elle m'a emprunté mon portable pour retéléphoner à la ville pour savoir exactement où l'on avait remorqué son (...) de char. Je vais épargner vos yeux de ce que mes oreilles ont subi. Jamais je n'aurais cru que des mots aussi laids pouvaient sortir d'une bouche aussi jolie. 15 $ plus loin, on a retrouvé l'auto dans un autre banc de neige. Sur le pare-brise, deux contraventions et comme si ça pouvait aller encore plus mal, la petite Volks s'était fait arracher un miroir... J'ai déguerpi avant la crise de nerfs.

Ce qui est bien avec le froid c'est que ça me donne pas mal plus d'ouvrage. À moins 25 les gens sont pas mal moins patient sur les coins de rue à attendre le maudit autobus qui n'arrive pas. Probablement « pogné » derrière une charrue ou bloqué par un idiot parqué en double sur un boulevard qui n'a plus qu'une voie. J'embarque ce jeune noir qui a peine à articuler sa destination tellement il est gelé. Le temps qu'il se réchauffe un peu, je lui demande s'il a une grosse soirée en perspective. Il me dit qu'il s'en va à une soirée de méditation où il y aura des derviches tourneurs et des prières soufies. Vaguement prosélyte, le jeune m'explique un peu sa religion, je lui demande s'il connait Abd Al Malik le poète slammer français qui se réclame également du soufisme. Une conversation allumée aux antipodes de celle de mes clientes de la course précédente.

Pas mal pompettes, ces quatre filles partaient de la Pointe-Saint-Charles pour aller à un resto sur Laurier. J'ai eu droit à des comptes-rendus croustillants sur leurs aventures sexuelles. Il a aussi été question de pétanque, de sexe à Hawaii et de dauphins mais pas nécessairement dans cet ordre. Un moment donné, l'une d'elles raconte qu'elle se taperait bien un pompier. Je lui dis que la veille, j'ai embarqué un sapeur tellement sur le point de s'éteindre qu'il a arrosé un guichet automatique de son vomi. Dans mon taxi de l'autre côté de la vitrine, j'observais le spectacle en me disant que je l'avais échappé belle. La fille complètement allumée m'a demandé à quel bar je l'avais embarqué.

J'ai parlé de boxe avec un Roumain qui m'a payé un café alors que je remplissais mon réservoir. Je suis allé dans un bar chic de Westmount rendre un sac avec des bottes qu'une des serveuses avait oublié dans le taxi. Jasé de hockey avec des jeunes filles de Toronto venues encourager les Canadiens juste parce que Carey Price est beau. Un « headbanger» avec un t-shirt de Cannibal Corpse m'a dit que la musique des Foufs c'est pu ce que c'était. Qu'il y a même cette drôle de musique que le monde appelle du ska. Un genre de punk joyeux avec de la trompette. C'n’est pas comme du bon vieux Sabbath! Je suis allé à l'aéroport avec un pilote que j'ai fait rire en lui disant de conduire prudemment. Une fille que j'ai laissée au café Dahomey avait un ananas dans sa sacoche. Je suis reparti de là avec une magnifique Trifluvienne qui sentait la noix de coco. Je me suis fait photographier devant l'Hôtel Maritime par la cousine de Wilfred qui veut mettre ma face sur Facebook. Un gros asiatique de Los Angeles m'a demandé de l'amener dans une barbotte d'Hochelaga-Maisonneuve où il avait entendu parler d'une table de poker qui valait le détour. J'ai raconté l'histoire à un homme d'affaires qui sortait de l'Hôtel Saint-James pour aller au bar de Westmount où la serveuse aux bottes oubliées travaille. On s'est finalement ramassé au casino, d'où je suis revenu en regardant la lune danser entre les nuages au-dessus d'une ville froide remplie de chaleur humaine.

20 Comments:

Blogger Doparano said...

Tout un week end pour toi. à te lire, on se rends compte que nos vies sont pas tellement palpitante.

Bonne semaine Pierre Léon.

L'autre jour à Montréal j'ai pris quelques Taxi en espérant que par bonheur ce soit toi. Mais non! tu devais être de l'autre côté de la ville je suppose.

2/18/2008 6:35 AM  
Anonymous Anonyme said...

Beau billet.

Je tenais également à vous faire part, vous, fidèles du blog et de notre ami Pierre-Léon, que le journal Metro lui consacre pas moins une demi page dans l'édition d'aujourd'hui (page 6). A lire, et à garder.

Ce fut pour moi une belle et heureuse surprise.

2/18/2008 8:12 AM  
Anonymous Anonyme said...

Quelle vie! pas drôle! n'es-tu pas découragé des fois de voir ces loques humaines?

2/18/2008 9:37 AM  
Blogger Unknown said...

"...Je lui dis que la veille, j'ai embarqué un sapeur tellement sur le point de s'éteindre qu'il a arrosé un guichet automatique de son vomi."

Voici le genre de fluidité de jeux avec les mots qui fait de moi un vrai Fan depuis des lustres...

Bonne semaine P-L

2/18/2008 10:58 AM  
Anonymous Anonyme said...

Que j'aimerais prendre ta place derrière la roue le temps d'une nuit pour écouter le souffle de montréal la nuit ...

2/18/2008 1:32 PM  
Blogger Nicole said...

et bien... ma vie est platte, ça pas de bons sens. Je ne me suis jamais arrêtée auparavant pour penser à tout ce qu'un ''psychologue'' d'un taxi pouvait entendre et voir... C'est incroyable et drôlement intéressant. Il y a tellement de gens différents, c'est drôlement intéressants. Je me répète, je crois bien.

2/18/2008 8:09 PM  
Blogger Michel Hellman said...

excellent!

2/18/2008 8:53 PM  
Blogger REGOR said...

Juste de te lire on en est essouflé.
Un concentré de vie humaines si différentes et variées.
Comment tu fais pour pas perdre pied?

2/18/2008 11:50 PM  
Anonymous Anonyme said...

ah pl je ne peux m'empêcher de revenir sur la phrase qui dit que c'est donc pas beau une femme qui sacre... comment des mots si laids peuvent sortir d'une si jolie bouche... ??? tabarnacle... est un tabarnacle qui veut dire la même chose que tabarnacle dans une moins jolie bouche ou dans une avec du poil autour. le sens est le même... on est en 2008 pl, les choses laides arrivent à tout le monde et font le même effet nonobstant le genre ou le sexe... peut-on sortir collectivement des stéréotypes liés au vocabulaire...
moi, j'aime ça quand ma blonde dit tabarnacle et j'aime moins quand elle doit payer deux tickets...
serge

2/19/2008 8:04 AM  
Blogger da Bitch said...

Belles rides!!!

2/19/2008 11:29 AM  
Blogger Val said...

Wow mais quelles aventures! J'avoue que de sillonné les rues bondées de Montréal doit amener une foule de péripéties plus loufoques les unes que les autres! On dirait le scénario d'un film!

2/19/2008 2:02 PM  
Blogger Le feu said...

Si ton livre ressemble a ce billet,dis-moi ou l'acheter!

J'ai jete un coup d'oeil sur l'article qui t'est consacre dans le journal Metro,hier soir.Pas encore lu au complet,mais en voyant le titre,je me suis dit"Euuh nooon!Pas vrai!J'ai lu son blog!"
Hahaha

2/19/2008 7:32 PM  
Anonymous Anonyme said...

De jolis portraits fraichement embarqués.

2/20/2008 4:44 AM  
Blogger Sara said...

merci! ça me donne envie de rentrer

2/20/2008 6:33 AM  
Blogger bibiarome said...

Merci pour l'humanité en mouvement.

2/20/2008 11:17 AM  
Blogger En direct des îles said...

Ça donne un peu le vertige, tous ces jolis portraits... et dommage pour la fille que la caserne de pompiers de la rue Laurier soit fermée maintenant!
Oh le plaisir de passer lire vos textes - on ne s'en lasse pas.

2/20/2008 6:19 PM  
Blogger Luc Séguin said...

« J'ai raconté l'histoire à un homme d'affaires qui sortait de l'Hôtel Saint-James pour aller au bar de Westmount où la serveuse aux bottes oubliées travaille. »

J'aime bien quand deux histoires se croisent. Par contre la lune qui « danse », c'est un peu trop.

2/20/2008 10:41 PM  
Blogger Unknown said...

A quand un party Ouateux a sandwich pas de croutes...

Bebs

P.S.:Tres bonne saga mon Leon

2/21/2008 11:11 AM  
Blogger Elle said...

Wooow!
En nous racontant tes histoires, ça donne toujours envie de prendre le taxi et... secrètement(!!!) j'espère tombé sur toi!
Hihihi!

2/21/2008 11:35 AM  
Blogger nikka said...

Je pense que vous n'auriez pas tort de réclamer de l'argent à la ville de Montréal pour l'image plus positive et attractive que vous lui donnez. Ce soir, vous m'avez convaincu que je m'y rendrai un jour !

8/09/2008 3:03 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home