3.9.13
Un petit rappel pour vous dire qu'Un Taxi la Nuit est dorénavant à cet endroit. Au plaisir !
26.8.13
L'heure des comptes
L'été de mes cinquante ans.
Cinq décennies, dix lustres, six-cents mois, dix-huit miles deux-cent-cinquante jours et quelques...
Pas mal de kilomètres au compteur et sans fatalisme, tout compte fait, les deux tiers du chemin sont déjà parcourus. Qu'est-ce qui compte au bout de tout ça? Je m'arrête à ce qu'il y a dans le rétroviseur? Où je continue à regarder devant? Je fais des bilans ou des plans. Je me vautre dans les souvenirs ou je m'en forge d'autres?
Ça fait bientôt deux mois que j'ai décidé de prendre mon temps. Je l'offre, je lui fais prendre l'air, je le tue, je le perds, je le passe comme j'ai envie, et tout ça, en temps réel et à plein temps.
Car un moment donné, il faut savoir s'arrêter de compter et trouver son compte.
Comme j'avais le temps et comme ça faisait longtemps que je me disais que je le ferais quand j'en aurais, j'ai emmieuté Un Taxi la Nuit. Un grand ménage s'imposait! 8 ans sans trop de changements, ça commençait à être un peu poussiéreux par ici. Fait que c'est ça qui est ça, je vous convie sur Un Taxi la Nuit point-com. J'espère que vous allez apprécier la nouvelle déco. Gênez-vous pas pour prendre vos aises et me dire ce que vous en pensez. N'oubliez pas non plus de mettre vos signets à jour et surtout, surtout un grand merci à tous ceux et celles qui sont passés par ici au fil de ces 8 ans. Qui sait y'en aura encore autant de l'autre côté. Mes amitiés et bonne route!
Cinq décennies, dix lustres, six-cents mois, dix-huit miles deux-cent-cinquante jours et quelques...
Pas mal de kilomètres au compteur et sans fatalisme, tout compte fait, les deux tiers du chemin sont déjà parcourus. Qu'est-ce qui compte au bout de tout ça? Je m'arrête à ce qu'il y a dans le rétroviseur? Où je continue à regarder devant? Je fais des bilans ou des plans. Je me vautre dans les souvenirs ou je m'en forge d'autres?
Ça fait bientôt deux mois que j'ai décidé de prendre mon temps. Je l'offre, je lui fais prendre l'air, je le tue, je le perds, je le passe comme j'ai envie, et tout ça, en temps réel et à plein temps.
Car un moment donné, il faut savoir s'arrêter de compter et trouver son compte.
Comme j'avais le temps et comme ça faisait longtemps que je me disais que je le ferais quand j'en aurais, j'ai emmieuté Un Taxi la Nuit. Un grand ménage s'imposait! 8 ans sans trop de changements, ça commençait à être un peu poussiéreux par ici. Fait que c'est ça qui est ça, je vous convie sur Un Taxi la Nuit point-com. J'espère que vous allez apprécier la nouvelle déco. Gênez-vous pas pour prendre vos aises et me dire ce que vous en pensez. N'oubliez pas non plus de mettre vos signets à jour et surtout, surtout un grand merci à tous ceux et celles qui sont passés par ici au fil de ces 8 ans. Qui sait y'en aura encore autant de l'autre côté. Mes amitiés et bonne route!
8.8.13
L'accalmie
Assis sur un quai bringuebalant, je suis happé par la réverbération des gris
d'un ciel ennuagé sur le frémissement des vaguelettes du lac.
Les estivants, plaisanciers, villégiateurs, touristes, jardiniers, patenteux et tous les autres proliférateurs de décibels perturbateurs ne se sont même pas concertés pour m'offrir quelques secondes de redoux auditif.
Les corneilles se taisent, le vent s'apaise, une rare tranquillité s'insinue.
Je ferme les yeux et respire profondément. Il n'y a plus personne au poste, plus de signal sur le canal.
Un grand bruit blanc.
Loin la ville. Loin, très très loin le taxi.
Un silence. Une respiration. Un infinitésimal souffle.
Et lentement. Tout lentement. En moi.
Le doux bruit d'un moteur qui se remet en marche.
Les estivants, plaisanciers, villégiateurs, touristes, jardiniers, patenteux et tous les autres proliférateurs de décibels perturbateurs ne se sont même pas concertés pour m'offrir quelques secondes de redoux auditif.
Les corneilles se taisent, le vent s'apaise, une rare tranquillité s'insinue.
Je ferme les yeux et respire profondément. Il n'y a plus personne au poste, plus de signal sur le canal.
Un grand bruit blanc.
Loin la ville. Loin, très très loin le taxi.
Un silence. Une respiration. Un infinitésimal souffle.
Et lentement. Tout lentement. En moi.
Le doux bruit d'un moteur qui se remet en marche.
21.5.13
Contre toute attente
J'attends
J'attends que ça passe
J'attends l'heure
J'attends que ça se pointe
J'attends que l'heure de pointe se passe
J'attends que plus rien ne me désappointe
J'attends
Le long d'un parc
Un poste d'attente
Un poste d'observation
Deux êtres se croisent
La blanche ride, la barbe profonde, le pas aidé
2 cannes dans chaque main, un dernier printemps
Il regarde le chemin devant lui, celui derrière aussi
Ne voit pas cette trop jeune pédaleuse
Oscillante, vacillante, juste heureuse
Le vieil orme, la jeune figue
Le vieux fugue, la jeune file
Contre toute attente
Je fugue et file
26.4.13
13.3.13
Changement d'air
Semaine de relâche. Les clients s'espacent. Ils prennent l'air. Ils profitent du redoux. Je le redoutais.
Je roule semi-lunatique dans une ville cratère. Mon corps fatigué d'un long hiver s'imprègne de chaque nid-de-poule heurté.
Zone de rodéo.
Encore.
Le moral au ras le sol, j'évite les conversations. Je ne remplis pas les trous.
Je laisse aller. Je me lasse assez.
No vacancy.
Circulez.
5.2.13
Petits baveux
Avant le gros « rush» de la fermeture des bars à 3 heures, beaucoup de taxis convergent dans le Vieux sur la rue Saint-Paul près de la Place Jacques-Cartier. Pour une raison que j'ignore, les clubs qui s'y trouvent ferment une demie-heure plus tôt.
Devant « La Queue Leu-Leu», les taxis font la file indienne. Plus loin, « Les Deux-Pierrot» ouvre tout grand ses portes. À cette heure-ci, les soirs de fin de semaine, y'a toujours des clients qui sortent de ces endroits. Ils sont souvent souls, ils vont souvent loin et ils sont souvent en bande.
Comme de fait, je n'ai pas à attendre trop longtemps avant de voir trois-quatre jeunes s'avancer vers mon taxi. Un d'eux a le bras levé et m'indique la main grande ouverte qu'ils sont cinq. Je pourrais refuser comme mes confrères devant moi, mais j'ouvre ma fenêtre et demande leur destination.
— On s'en va à Ahuntsic dans le nord de la ville! me dit un grand boutonneux. À ses côtés quatre autres ados grelottent les mains dans leurs poches. On dirait qu'ils attendent d'être choisis pour jouer au hockey-balle dans la rue avec leurs chums.
Comme je n'ai pas à quitter la ville, ça me convient. Je pourrai les déposer rapidement et revenir vers le centre quand les bars se videront.
— Tassez-vous quatre en arrière, le plus gros en avant!
Avec la température qu'il fait et les refus qu'ils viennent d'encaisser, ils ne se font pas prier pour se serrer dans l'Hyundai.
Le temps qu'ils montent, les taxis devant moi se sont mis à avancer et je décolle à mon tour. Je regarde dans mon rétroviseur et demande à ceux qui sont derrière s'ils se connaissent tous. En général ça décoince un peu. Ils n'en demandaient pas tant pour se mettre à raconter leurs niaiseries de la veillée.
— Je l'ai embrassée sur les joues, mais proche des lèvres!
— Un moment donné j'ai renversé ma bière sur un gars en bas du balcon!
— La balle de pool est restée dans la bolle de toilette toute la soirée!
— Mais le pire c'est Alex qui a échappé toute le weed qui restait...
— Quoi! On a pu rien à fumer? On peut pas finir la nuite comme ça!
— Monsieur, savez-vous où on peut trouver de quoi à fumer?
Je ne suis pas très loin du métro Berri où y'a toujours des petits pushers qui traînent mais comme je n'ai pas vraiment envie de m'éterniser avec cinq passagers à bord, je réponds négativement et continue de rouler.
— Ben moi, il me reste ça. Dis un des gars derrière.
— J'en veux!
— Moi aussi! répètent les trois autres.
Roulant rapidement sur Saint-Denis, je reste concentré sur le trafic, mais je m'interroge sérieusement sur ce que les gars derrière moi sont en train de se mettre dans la bouche. Ces garçons qui n'ont pas encore de barbe au menton, n'ont certainement pas le profil type du consommateur de petites pilules. Je suis rapidement éclairé lorsque le petit boitier arrive dans la main du grand assis à mes côtés. Du tabac à chiquer...
L'ado s'en met, une pincée dans la gueule, et me tend le boitier en me demandant si j'en veux.
— J'essaye d'arrêter lui dis-je en continuant d'avancer.
Je trouve le moment bien mignon jusqu'à ce que je m'arrête à un feu rouge. Les trois fenêtres s'ouvrent alors en même temps et les jeunes crachent leur jus de tabac dehors. C'est d'un chic fou!
Le manège se répète chaque fois que le taxi s'arrête. Je me renfrogne un peu en songeant déjà aux traces de crachats qui se retrouveront sur la carrosserie et j'accélère ce qu'il faut pour brûler les jaunes.
Plus la séquence sans s'arrêter est longue plus la séance de crachat est pathétique. Je regarde les regards ahuris des passagers de la voiture stoppée sur le même feu que le nôtre. Quand il change, je m'assure que les types du milieu de la banquette ont bien éjecté leurs dus penchés sur leurs amis et je repars en m'exclamant :
« J'pensais jamais un jour embarquer un troupeau de lamas! »
Les jeunes l'ont trouvé bien drôle. L'un d'eux s'est même étouffé dans son jus de chique. Lorsque j'ai sorti une napkin de mon manteau, ils m'en ont tous demandé.
— Tenez mes petits baveux! Leur ai-je dit sur un ton qui ne ne l'était pas.
La course s'est terminée dans la joie et les crachats. À destination, j'ai observé le regard du premier sorti s'orienter vers la portière et la grimace qui en a découlé. Ça avait coulé...
J'ai chialé un peu et tous ont mis la main à la pièce pour m'offrir mon plus gros pourboire de la soirée.
Je les ai laissés et me suis arrêté un peu plus loin pour prendre de la neige et nettoyer les traces de crachats.
Reste zen m'aurait dit le Dalaï...
30.1.13
23.1.13
15.1.13
Shalom
Je suis dans le fond d'une cafétéria miteuse au coin de Broadway et de la 86e en compagnie de Jakob Bronsky qui discute avec Monsieur Selig de la difficulté d'écrire sans un sou en poche. Je suis plongé dans le Manhattan du début des années cinquante avec un rescapé juif allemand. Je suis plongé dans le Fuck America d'Edgar Hilsenrath. Le trafic et les passants autour de moi n'existent plus, le pauvre Bronsky vient de finir un autre chapitre de son roman, le pauvre Bronsky vient de se sauver d'un restaurant par les fenêtres des chiottes, le pauvre Bronsky tente d'échapper à ses souvenirs, le pauvre Bronsky fait le mort dans une montagne de cadavres fraîchement fusillés par des nazis.
Le signal d'un appel me sort des ghettos de Pologne pour me ramener au coin de Saint-Viateur et Saint-Laurent. Je dois me diriger sur De Gaspé où une course m'attend. Je roule entre deux réalités jusqu'à l'adresse, un édifice qui abrite toutes sortes de petites entreprises et de bureaux. Assis dans les marches du lobby en compagnie de ses deux petits garçons, un grand juif hassidique se lève lentement et sort de l'édifice en tenant ses deux fils de chaque main.
Stupéfait par cet autre hasard de la route, je souris aux deux garçons que je sens tout excités de monter à bord d'un taxi. Je salue le jeune père et suis agréablement surpris qu'il pousse la conversation au-delà de la simple mention de son adresse de destination (quelques coins de rue). Il m'interroge sur l'endroit qu'il vient de quitter. Je lui réponds sans en être sûr que l'édifice était voué autrefois aux manufactures de couture. L'un des garçons qui n'ont d'yeux que pour l'écran du terminal, lui pose une question à laquelle répond l'homme dans ce que je crois être du yiddish.
Dans ces quelques mots échangés, je repense à ce pauvre Bronsky, je repense à ces six millions.
Quand l'homme et ses fils sortent du taxi, je leur souris, leur dis Shalom et retourne au poste retrouver ce pauvre Bronsky.